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La Reinette
5 août 2007

Témoignage: A la recherche de soi

L’ichtyose, le fait de l’écrire me mets mal à l’aise, j’ai jamais été tranquille avec ce mot et avec ce qu’il représente. C’est un mot un peu barbare, aux sonorités étranges, agressives un peu, un mot qui parait un peu vide comme ça. « Maman, qu’est ce qu’elle a la dame ? » ce matin dans le métro, qu’est ce que je devais répondre ? Une ichtyose ? Et puis d’abord, c’est quoi une ichtyose ?
C’est d’abord une apparence, un physique. Au départ, quand on est petit, c’est pas très beau à voir, on dirait que le corps est fait d’une cicatrice géante, la peau est tirée de partout, des plaques plus ou moins foncé sur les membres, ça fait même mal quand on voit des photos de quand on était bébé. Au primaire, c’est plaques marron sur le visage, les bras et les jambes et quand on les arrache ça devient rouge et ça fait mal. C’est aussi les mains et les pieds qui pèlent énormément, des choses qui rassurent pas les autres enfants, qui amènent des surnoms « poisson piquant »… C’est vrai que la peau ça ressemble plus à des écailles qu’à de la peau quand on compare et puis ces taches marron sur les bras et les jambes ça fait même un peu girafe si on regarde bien. Et puis cet espoir secret, irraisonné, que si on arrache bien toute la peau, quand elle repoussera elle sera normale. Alors on arrache, en dessous c’est tout rouge et ça brûle, et après ça repousse pareil, et les parents se sentent coupables, un peu plus chaque jour. Et ça gratte aussi, terriblement, tout le temps, « arrête de te gratter !! » tout le temps aussi. Mais comment s’arrêter quand c’est tout le corps qui brûle ? On peut pas, on le fait en cachette pour que les parents culpabilisent pas un peu plus encore. D’ailleurs on évite carrément d’en parler, les « si je pouvais je prendrais la maladie à ta place » ça met mal à l’aise, et puis on en demande pas autant, on en veux à personne en fait, c’est comme ça et c’est tout, personne n’y peut rien. Même avec sa sœur qui elle aussi a une ichtyose on en parle pas, c’est un secret. Sauf pour le dermatologue, lui on dirait qu’il sait et puis il se sent pas coupable lui, c’est plus facile. Mais y a aussi les prises de sang pour suivre l’évolution du traitement, la peur panique des prises de sang, de l’aiguille et tous les mois la même question : si on arrête pas de me prendre du sang, comment je vais faire quand j’en aurais plus ? Personne pour m’expliquer que le sang ça se refait tout seul. Et toujours la peau qui pèle, la peau qui tombe, sur tout le corps, tout le temps, inconsciemment l’impression de s’éparpiller un peu plus tous les jours. L’’obligation de secouer ses draps tous les matins, de se passer un peigne anti-poux dans les cheveux pour enlever les petits bouts de peau jusqu’à en avoir le crâne à vif, de suivre un traitement, de se mettre de la crème matin et soir et même à l’école souvent, d’essayer encore et toujours de nouveaux shampoings traitants qui attaquent le cuir chevelu, de nouvelles crèmes encore plus grasses, et puis un beau jour découvrir les mots « effets secondaires ».
Au collège on prend de plus en plus conscience de son apparence physique, la première chose que les autres voient. Se faire traiter de lépreuse, rester interdite devant la violence dans cette voix et bien plus tard en pleurer, doucement.
Et puis aussi se faire accepter et s’accepter soi-même, un peu. Et toujours cette peau qui tombe à chaque seconde, les gens qui disent « et ben ça se voit plus maintenant, c’est fini » et se sentir incomprise profondément.
Le médicament qui agit tellement bien que frotter la peau la déchire et met à vif et que les cheveux tombent. La maladie qui se voit de moins en moins mais qui sera toujours là, ne pas arriver à ne plus voir que ça, on regarde avec envie toutes les peaux normales, on compare même sans y penser. On se met à vif la nuit parce qu’on se gratte en dormant, on se réveille dégoutté par cette nouvelle marque, on en pleure de rage. On choisit soigneusement ses habits le matin, pas en fonction de la mode mais en fonction de ce qu’on veut pas montrer, c'est-à-dire tout. On a l’impression d’être jugé à chaque nouveau regard, on les évite. Et puis au lycée, la découverte de la pierre ponce par ma sœur, se poncer tous les jours jusqu’à en être toute rouge, se poncer désespérément et enfin montrer ses épaules. Commencer à en parler avec ma sœur, mais les parents qui culpabilisent encore. Découvrir que la contraception est obligatoire pour continuer le traitement, que pour avoir un enfant il faut stopper le traitement deux ans à l’avance… replonger, accepter, décider d’oublier, de faire semblant. Mais toujours cette peau qui brûle, qui pique, qu’on voudrait arracher. En prépa, réflexion du prof de français : « notre peau est notre premier rapport au monde » … mais quel peut être le rapport au monde de quelqu’un dont la peau meurt et renaît sans cesse ? de quelqu’un qui s’effrite continuellement ? un rapport à vif.

Cam



J'en profite pour faire un petit coup de pub pour le blog de Cam où vous pourrez y trouver ses autres témoignages. Un blog magnifique qui parle de l'ichtyose, de la relation à la maladie, un regard touchant et très pertinent! Allez y faire un tour, vraiment...
Ça se passe par ici! Où par , et à droite également, le lien se trouve dans la catégorie "La mare aux têtards". C'est fléché, vous ne pouvez pas vous trompez.

 

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Commentaires
U
Bonjour, <br /> <br /> Je me presente je suis atteinte d'une érytrodérmie ichtyosiforme congénitale sèche.<br /> <br /> Ba frachement, no comment, c'est un super témognage, c'est vraiment mettre à nu ce qu'on vie au quotidien.<br /> <br /> Merci <br /> umutt_yolu@yahoo.fr
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